b)
Le problème de la maladie d'Alzheimer en France
Découverte
en 1906 par Aloïs Alzheimer, la maladie d’Alzheimer est une
affection du cerveau dite « neurodégénérative », c’est-à-dire
qu’elle entraîne une disparition progressive des neurones. Ces neurones, qui servent à programmer un certain nombre d’actions, en
disparaissant, entraînent une altération des facultés cognitives
: mémoire, langage, raisonnement… L’extension des lésions
cérébrales cause d’autres troubles qui réduisent progressivement
l’autonomie de la personne. La maladie d’Alzheimer apparaît plus
souvent chez les personnes âgées, mais elle n’est pas une conséquence normale du vieillissement.
1.
Histoire
En
1906, Aloïs Alzheimer (1864-1915) a observé au microscope le
cerveau d’une femme de 51 ans qui avait présenté un délire de
jalousie et une désintégration des foncions intellectuelles. Le
neuropsychiatre décrit des anomalies dans le cerveau de cette
patiente : une plaque sénile et une dégénérescence
neurofibrillaire. Ces lésions servent encore à définir la maladie
dite d’Alzheimer. La maladie est spécifiquement humaine, sans
modèle animal pour l’expérimenter.
Cette
maladie a longtemps été niée mais tout a changé grâce à la
découverte d’Aloïs Alzheimer. Mais cela ne sera compris et
exploité que près d’un siècle plus tard. Il aura fallu attendre
les progrès de la neuropathologie, de la biologie moléculaire et
de la génétique pour préciser la découverte d’Alzheimer et
bénéficier des premiers traitements.
2.
Facteurs
de risque
-
L’âge : C’est le plus important des facteurs de risque de la
maladie d’Alzheimer. Toutes les études montrent une augmentation
du nombre de nouveaux cas de la maladie avec l’avancée de l’âge : 1.2 cas pour 1000 personnes et par an pour les 65-69 ans, et 53.5 à
partir de 90 ans. La maladie d’Alzheimer est liée à l’âge mais
n’est pas due à l’âge (il y a des cas rares chez les jeunes).
-
Les facteurs génétiques : Dans certaines familles, la maladie est
due à la mutation d’un gène qui se transmet : c'est un facteur héréditaire. Elle peut être située sur les chromosomes 14, 21 ou
1. La maladie se déclare alors toujours avant 60 ans. En dehors de
ces rares cas (1% environ), un seul facteur de risque a été trouvé
: l’apolipoprotéine E, son dysfonctionnement peut entraîner une
démence chez le patient. Il ne s’agit que d’un simple facteur de
risque pas d’une cause (voir partie II b.) Un autre facteur de risque est le fait
d’avoir un ou deux parents atteints par la maladie. Cela ne veut
pas dire que la maladie est héréditaire, mais l’individu possède
alors des gènes de prédisposition.
-
Facteurs de risque d’origine vasculaire : l’hypertension
artérielle (le traitement a un possible effet protecteur) et la
démence vasculaire
-
Les sources de stress et d’épuisement, douloureux pour
l’entourage, les troubles du comportement sont quasiment
inévitables, même s’ils ne sont pas spécifiques à la maladie.
Le rôle des traumatismes psychologiques a été évoqué, en
particulier celui des stress importants et prolongés. Parfois, la
maladie apparaît à la suite d’un deuil. Il s’agit de la
déstabilisation d’une affection jusque-là masquée.
3.
Diagnostic
Le
diagnostic est l’étape indispensable pour trouver des solutions.
La maladie d’Alzheimer est un trouble de la mémoire associé à un
autre trouble cognitif retentissant sur la vie sociale, d’évolution
progressive. Le trouble de la mémoire de la maladie d’Alzheimer
n’est pas celui que tout le monde subit en vieillissant (à savoir
l’oubli des événements anciens et récents, des noms propres…)
: l’entourage n’en prend conscience que parce que la malade se
plaint de ses oublis de plus en plus fréquents, mais aussi grâce au
diagnostic. L’analyse est précisée par des tests
neuropsychologiques.
Le
Mini Mental State (MMS) est le plus connu des outils de dépistage.
Il comprend des questions sur l’orientation dans le temps et dans
l’espace, des épreuves de calculs, de mémoire et de langage ainsi
qu’un dessin à recopier. Ce test permet de suivre l’évolution
en trois stades : léger, modéré ou sévère. Une prise de sang et
un scanner cérébral permettent d’éliminer une autre cause et de
repérer des facteurs aggravants. De récents progrès de l’imagerie
par IRM pourraient se révéler intéressants pour le diagnostic et
le suivi. Ce retard est très regrettable car les traitements
spécifiques sont d’autant plus intéressants que le diagnostic est
précoce.
L’annonce
de la maladie d’Alzheimer ne peut être que traumatisante.
Difficile à entendre par le malade et très dure pour la famille et
les réactions de défense sont habituelles. Doute et refus alternent
avec colère et ressentiment, ou tristesse et culpabilité. L’annonce
est pourtant inévitable : la maladie suppose un accompagnement fondé
sur la confiance, non sur le mensonge ou le non-dit. Considérer la
personne ayant l’Alzheimer comme ne pouvant rien comprendre,
l’enfonce dans la maladie. Un diagnostic est une découverte, une
prise de conscience, qui se construit dans le temps, et c’est
peut-être ce qui manque le plus.
4.
L’évolution
de la maladie
La
maladie d’Alzheimer est d’évolution lente et progressive, sur de
nombreuses années, émaillée de complications, c’est pour cela
qu’elle est dite neurodégénérative. Mais il est possible d’agir
pour ralentir sa progression.
Les
premiers stades passent généralement inaperçus : au début, stade
des lésions cérébrales sans symptômes cliniques, puis des
troubles isolés de la mémoire. En France, le diagnostic n’est
fait en moyenne que deux ans après les premiers signes
significatifs. Les troubles cognitifs apparaissent progressivement en
rendant la personne dépendante à des aides extérieures. Au stade
sévère, elle n’a plus la capacité d’effectuer des actes
essentiels de la vie courante. Les troubles du comportement sont
variables selon les personnes, les périodes et les circonstances. La
communication devient de plus en plus difficile. La personne
Alzheimer semble se retirer dans un monde où nous n’avons accès
que de manière très fugace et incertaine.
Toute
aggravation doit donc faire rechercher une complication ou une
affection associée (infection, erreur médicamenteuse, agression
psychologique). Dépression et anxiété sont fréquentes et sont
sources des troubles du comportement. Les troubles cardiaques,
ralentissent la circulation cérébrale, et les performances
intellectuelles. Les chutes font craindre la perte de la marche et à
terme l’alitement, avec ses propres complications redoutables. Le
stade terminal est souvent marqué par des fausses routes qui
aggravent la dénutrition et provoquent des infections respiratoire.
De
plus, une carence en acétylcholine est observée.
5.
Description
de cette pathologie
Les
troubles de la mémoire sont toujours présents et souvent
inauguraux. Apparaissant de manière très progressive, ils finissent
par retentir fortement sur la vie quotidienne, ce qui alerte
l’entourage. Ils touchent le proche passé : difficultés pour
enregistrer de nouvelles informations, oubli des événements vécus
et des réponses aux questions répétées, de l’emplacement des
objets usuels, des actions à entreprendre… A un stade plus avancé
s’associe une désorientation dans le temps et l’espace.
L’atteinte de la mémoire ne signifie pas disparition des
souvenirs, en particulier des plus anciens de la vie personnelle,
mais ils ne sont plus contrôlables par la volonté. Le langage est
rapidement atteint : le mot devient vague, avec des termes imprécis,
déformés, plus en mots, le discours spontané devient rare. Les
écrits évoluent en parallèle. Les fonctions exécutives sont les
opérations mentales qui favorisent d’adaptation aux situations
nouvelles. Leur atteinte, fréquente se traduit par des troubles du
raisonnement.
La
maladie d’Alzheimer se caractérise par une atteinte progressive
des fonctions cognitives qui retentissent sur la vie quotidienne et
aboutissent à la dépendance.
6.
Traitement
L’objectif
est l’amélioration du bien-être de la personne malade et la
réduction du fardeau de l’aide. Les moyens sont multiples :
- Les médicaments spécifiques comme les anticholinestérasiques sont donnés dans l’espoir de ralentir l’évolution de la maladie. Mais ils améliorent la transmission de l’influx nerveux dans le système qui a l’acétylcholine comme neuromédiateur. Leur action est symptomatique, modeste sans doute, mais précieuse. Ils ont prouvé leur efficacité sur les déficits cognitifs et des troubles du comportement comme l’agitation, l’agressivité et le ralentissement intellectuel. De plus la mémantine est une molécule qui a prouvé son efficacité dans les formes modérées à sévères de la maladie. Ses effets sont comparables à ceux des anticholinestérasiques.
- Les médicaments non spécifiques tels que les antidépresseurs, fréquemment prescrits, pourraient avoir un effet bénéfique sur l’humeur. Les sédatifs sont d’utilisation plus délicate, car il n’est pas souhaitable de trop ralentir le fonctionnement cérébral déjà altéré.
- Les traitements non médicamenteux : les techniques de rééducation, d’orthophonie, de kinésithérapie et d’ergothérapie ont leur place. Améliorer les fonctions cognitives, éviter la dépression, calmer la douleur et l’angoisse n’ont pas de sens pour un objectif qui va au-delà de la satisfaction des besoins primordiaux : la qualité de la vie telle que perçue par la personne Alzheimer elle-même.
- Les médicaments spécifiques comme les anticholinestérasiques sont donnés dans l’espoir de ralentir l’évolution de la maladie. Mais ils améliorent la transmission de l’influx nerveux dans le système qui a l’acétylcholine comme neuromédiateur. Leur action est symptomatique, modeste sans doute, mais précieuse. Ils ont prouvé leur efficacité sur les déficits cognitifs et des troubles du comportement comme l’agitation, l’agressivité et le ralentissement intellectuel. De plus la mémantine est une molécule qui a prouvé son efficacité dans les formes modérées à sévères de la maladie. Ses effets sont comparables à ceux des anticholinestérasiques.
- Les médicaments non spécifiques tels que les antidépresseurs, fréquemment prescrits, pourraient avoir un effet bénéfique sur l’humeur. Les sédatifs sont d’utilisation plus délicate, car il n’est pas souhaitable de trop ralentir le fonctionnement cérébral déjà altéré.
- Les traitements non médicamenteux : les techniques de rééducation, d’orthophonie, de kinésithérapie et d’ergothérapie ont leur place. Améliorer les fonctions cognitives, éviter la dépression, calmer la douleur et l’angoisse n’ont pas de sens pour un objectif qui va au-delà de la satisfaction des besoins primordiaux : la qualité de la vie telle que perçue par la personne Alzheimer elle-même.
7.
Patients
et famille
Les
moments sublimes sont des épisodes étonnants et troublants : des «
flashs de lucidité »
La
maladie semble soudain disparaitre. Plus de confusion, ni de trouble
du langage ou du comportement, mais la pensée est forte, le mot
juste, la présence parfaite. La personne resurgit telle qu’elle a
toujours été.
Ils
sont aussi connus sous le nom de « flashs de lucidité », retours
soudains et fugitifs d’une conscience perdue. L’irruption
soudaine de l’être rappelle le poids de la perte et ce qui se dit
à ce moment-là est soumis au filtre de la culpabilité. Après le
choc vient le doute, le malade n’est pas si malade, il profite de
la situation… Le fragment de lucidité disparaît dans la douleur
et l’interprétation délirante. Ils ne doivent pas être des
accidents mais des instants qui donnent du sens à l’accompagnateur.
Les moments sublimes, durant lesquels s’illuminent les yeux des
malades d'Alzheimer, justifient tous les efforts des aidants familiaux
et soignants qui organisent, soutiennent et encouragent les malades.
8.
Ressenti
de la maladie par les malades
Singularité
de la maladie : des troubles des fonctions cognitives. Une personne
âgée d'Alzheimer pourra affirmer être en bonne santé et avoir vingt
ans alors que tous ceux de son âge se plaignent de rhumatismes et
d’autres misères, elle ne souffre pas et se présente comme au
plus bel âge de la vie. Pour elle, la maladie n’existe donc pas.
Quand une personne atteinte d'Alzheimer se sent en bonne santé, tout se passe
comme si sa guérison était réelle. Les processus affectifs et les
comportements jouent un grand rôle dans la relation aux autres. «
On ne voit bien qu’avec le coeur ». La permanence de l’émotion
maintient possible une forme de communication. Par exemple avec les
animaux, les chats et les chiens, en particulier, qui peuvent servir
de support thérapeutique. La relation que les personnes atteintes d'Alzheimer
ont avec les tout-petits est spectaculaire. Le rire est étonnamment
préservé, peut-être parce qu’il est connivent par-delà les
mots, partage d’une émotion entre personnes qui se reconnaissent.
De plus la communication reste très longtemps possible malgré les
troubles cognitifs. Elle nécessite un apprentissage dont les
résultats sont parfois spectaculaires.
La
communication est vitale pour un être humain.
9.
Statistiques
Le
poids économique et démographique de la maladie d’Alzheimer
justifie son qualificatif de « fléau du XXIe siècle ».
L’alternative est de le subir ou d’investir dans la recherche.
La
maladie de type Alzheimer se retrouve surtout chez les plus de 75 ans
(85%). Selon l’étude menée, depuis 1988, en Gironde et en
Dordogne, 7.7 et 5.7% de la population des 75-79 ans (respectivement
pour les hommes et les femmes) sont Alzheimer, 12.5 et 16.6% des
80-84 ans, 23.9 et 38.4% à partir de 85 ans. La maladie est rare
avant 60 ans : entre 0.1 et 0.2% selon le groupe Eurodem (réunissant
les résultats de plusieurs études en Europe). En 2004, le nombre de
personnes atteintes en France métropolitaine est estimé à 860 000.
Puisqu’il s’agit aussi d’une maladie de la famille, on peut
considérer que c’est 3 millions de Français qui sont directement
concernés. Le nombre de nouveaux cas par an est évalué à 25 000.
Dans les années à venir, le nombre de cas augmentera par simple
effet de vieillissement de la population. En 2050, les plus de 60 ans
seront deux fois plus nombreux, les plus de 75 ans trois fois et le
plus de 85 ans quatre fois. Les projections donnent entre 1.1 et 1.4
million de malades en 2020, et entre 1.9 et 2.4 millions en 2040, en
l’absence de progrès thérapeutique significatif.
De
plus le total des dépenses annuelles consacrées en France à la
maladie d’Alzheimer est estimé à 9.9 milliards d’euros. Les
projections font envisager 19 milliards pour 2020. Par personne, le
coût moyen au domicile est de 17 500 euros et en institution de 27
000, avec 25% pour le forfait soins, 18% pour le forfait dépendance
et 54% pour l’hébergement. La somme annuelle à la charge de la
famille est importante : 4 000 euros au domicile, le double en
institution. En 2003, les dépenses médicales ont été de 70
milliard d’euros pour le cancer, contre 0.9 pour la maladie
d’Alzheimer. Les coûts individuels de la maladie d’Alzheimer
varient selon les pays. Exprimés en milliers de dollars, ils sont de
19.5 en Espagne, 23.5 en France, 34.4 en Suède et 44.3 aux
Etats-Unis.
Une
maladie de la personne qui trouble ses rapports au monde et aux
autres, une maladie de la famille, parfois mortelle par épuisement,
souvent vécue dans la honte, une maladie de la société qui, par
l’organisation déficiente de son système sanitaire et social, n’a
pas pris ses responsabilités un siècle après la description de
l’affection, une maladie de la communication, ce qui veut dire que
tout ce qui améliorera les échanges sera thérapeutique. La maladie
ne touche qu’un animal : l’homme. Ce dernier parait dément,
c’est-à-dire sans réalité pensante. Il est incapable de se
défendre, sans souci des apparences (ni de la sienne ni de celle des
autres) et des convenances, sans rôle. Etranger hors du temps, dans
un au-delà vivant et mort à la fois.
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