mardi 20 janvier 2015

 I- Anxiolytiques et Alzheimer, deux facteurs à la fois différents et complémentaires
   a) Le problème de la consommation d'anxiolytiques en France
      1. Que sont les anxiolytiques ?
         Les anxiolytiques, ou plus communément appelés tranquillisants mineurs car ils n'abrutissent pas, sont une classe de médicaments psychotropes cherchant à diminuer l'anxiété d'une pathologie, d'un comportement. Ils font partie des psycholeptiques qui sont des substances pouvant faire baisser l'activité cérébrale. Ainsi ils permettent de diminuer l'angoisse chez les individus. Cependant, ce sont des produits sédatifs mineurs, les neuroleptiques ne sont donc pas concernés par cette appellation : ces médicaments servent pour les personnes souffrant de troubles psychotiques comme la schizophrénie.
De plus, les antidépresseurs ne sont pas non plus des anxiolytiques bien qu'ils soient très fortement associés, ces médicaments prescrits servent à traiter les patients étant en dépression en leur améliorant l'humeur. C'est simplement un complément à coté d'une prise en charge thérapeutique. Mais tout comme les anxiolytiques, les neuroleptiques ou les hypnotiques (troubles du sommeil), les antidépresseurs sont des psychotropes : ils diminuent ou augmentent l'activité du cerveau.

         Les toutes premières substances utilisées comme anxiolytiques étaient des préparations de plantes à base d'opiacé, qui sont des dérivés de l'opium, ou de valériane ; cette dernière étant toujours utilisée de nos jours. Les boissons contenant de l'alcool fermenté étaient aussi utilisées.
Mais le développement de la chimie de synthèse dans les années 50 a fait remplacer ces substances par des anxiolytiques chimiques tels que les barbituriques. Ils ont la faculté d'endormir le système nerveux central; à faible dose, ils sont donc considérés comme des tranquillisants. Mais à forte dose ils sont utilisés lors d’anesthésies générales pour des opérations chirurgicales. Leur usage est de nos jours limité ou prescrit marginalement car il induit une très grande dépendance qui peut conduire jusqu'à la mort de l'individu.
Ainsi depuis 1960, ce sont les benzodiazépines qui ont émergé. La première molécule a été découverte par accident par Leo Sterbach, un pharmacologue américain : ce fut le chlordiazépoxide, molécule contenue principalement dans le Librax. Mais le chef de file de ces benzodiazépines reste le bromazepam, plus connu sous le nom de Lexomil. Ces deux types d'anxiolytiques sont commercialisés par le laboratoire Hoffmann-La Roche. Ils sont reconnus pour leurs vertus envers les comportements anxieux et ils sont souvent prescrits pour le sevrage alcoolique ou pour des troubles digestifs (Librax).

         Les benzodiazépines sont les anxiolytiques les plus couramment utilisés en France notamment grâce à leurs effets très rapides, que les douleurs soient physiques ou psychiques. Cependant, le suivi médical est fondamental lors de la prise de ces substances, il est recommandé de voir le médecin qui a instauré le traitement au moins une fois par mois. Car même si les anxiolytiques ont des effets sédatifs, ils n'agissent pas sur le fond du problème.

        Comme cette catégorie de psychotropes est la plus prescrite en France, nous nous intéresserons aux benzodiazépines en particulier, c'est-à-dire aux substances agonistes GABA.

      2. La consommation en France
         Selon le spécialiste en neuropsychopharmacologie Michel Hamon (directeur de l'unité Inserm 288 à la faculté de médecine Pierre et Marie Curie à Paris) « sans les antidépresseurs, on assisterait à une flambée de suicides, et ces médicaments constituent le moyen le moins coûteux de traiter la dépression. Mais l'idéal – à défaut d'un soutien de l'entourage – restera toujours un excellent psychiatre ». Hélas « nous vivons dans un monde marqué par l'isolement social, l'urbanisation, la frustrante virtualité des contacts par internet, et désespérément privé des anciennes solidarités de voisinage ».
         C'est un comble pour un pays dont l'on envie la qualité de vie d'être le premier consom-mateur mondial de psychotropes, mais seulement le deuxième consommateur d'anxiolytiques en Europe. En effet, la France compte 131 millions de boîtes de médicaments contenant des benzodiazépines vendues en 2012 selon une étude de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) faite janvier 2014. De plus, toujours selon la même source environ 11,5 millions de français ont consommé au moins une fois des benzodiazépines en France en 2012.
      L'anxiolytique le plus utilisé en France serait le Stresam qui est constitué principalement d'étifoxine, une molécule appartenant à la famille des benzoxazines (effets similaires aux benzodiazépines). Probablement parce qu'il n'est pas très onéreux, qu'il peut être prescrit à toutes classes d'âge, qu'il s’achète sur ordonnance et surtout parce qu'il entraîne moins d'effets secondaires indésirables que les anxiolytiques benzodiazépines. Cependant, le Lexomil est un benzodiazépine très célèbre car comme les anxiolytiques les plus utilisés, ils produisent un effet de soulagement de la tension nerveuse rapide, bien qu'ils n'agissent pas sur le fond du problème comme Michel Hamon le dit clairement.

         Dans notre société d'aujourd'hui, ces médicaments psychotropes sont de plus en plus prescrits, et ce sont les femmes qui ne représentent pas loin des deux tiers des personnes concernées. Ainsi une overdose nationale est observée, mais cette overdose est surtout due à la sur-prescription des médecins de psychotropes envers leurs patients ; et les cocktails médicamenteux trop lourds comportent de hauts risques pour le cerveau. Cependant le journaliste scientifique Guy Hugnet affirme dans Psychotropes, l'enquête que les médecins généralistes prescrivent telle ou telle marque de psychotropes sous l'influence de firmes médicales. Le plus affolant étant qu'environ 14 % des jeunes de 17 ans ont déclaré avoir déjà consommé au moins une fois des anxiolytiques au cours de l'année 2012 : le plus souvent, ces médicaments leur ont été proposé par leurs parents, alors qu'ils sont une minorité à avoir commencé un traitement sous leur propre initiative.
Cependant, même si la France est un très gros consommateur de médicaments psychotropes en tout genre, l'utilisation de certains psychostimulants comme la cocaïne ou l'ecstasy, reste marginale, contrairement à ses voisins européens.

Diagramme de la consommation d'anxiolytiques de certains pays d'Europe en 2009, en dose définie journalière (DDJ) pour 1000 habitants par jour


Selon une étude statistique de l'Ansm datant de décembre 2013.

      3. Les problèmes de la surconsommation (effets secondaires...)
        Comme nous l'avons vu dans les parties précédentes, la consommation d'anxiolytiques ou même de médicaments psychotropes en tout genre n'est pas négligeable. Cependant il serait préférable que ces substances n'aient pas d'impact sur le consommateur, qu'elles n'aient pas d'effets secondaires indésirables. Mais ce n'est malheureusement pas le cas. Ces médicaments - s'ils peuvent être d'une grande aide ponctuellement - ne doivent généralement pas être utilisés à long terme ; car les substances psychotropes ont des répercussions plus ou moins grave sur le cerveau du patient. Au cours de cette partie, nous nous intéresserons donc juste aux effets indésirables des anxiolytiques benzodiazépines, les plus répandus et les plus prescrits.

         Depuis l'arrêté du 7 octobre 1991, les médicaments contenant des propriétés anxiolytiques ne peuvent être prescrits plus de douze semaines. Et c'est le principal problème que nous retrouvons en France. Lors d'une utilisation régulière, la diminution des capacités psychomotrices du patient peut être observée (chute, accidents sportifs...), le cerveau étant atteint par des substances réduisant son activité. Ainsi la somnolence est un effet fréquent lors de la consommation : les
anxiolytiques sont classés suivant des pictogrammes de niveau plus ou moins élevé. Niveau trois pour les formes injectables ou intraveineuses et niveau un ou deux pour les formes orales. Ces médicaments diminuent la capacité de répondre aux situations d'urgence : lorsque les individus conduisent, des accidents peuvent donc être commis très facilement et pas vraiment consciemment.

Et selon le professeur en psychologie britannique Iwing Kirsh, d'autres effets secondaires sont à prendre en compte avec la surconsommation d'anxiolytiques comme un dysfonctionnement sexuel, des insomnies, des troubles du sommeil, une prise de poids accrue ou de l'anorexie, des diarrhées, des nausées, ou encore des réactions cutanées. Et sans oublier que lors d'un rapport de l'Ansm en décembre 2012, son directeur général Dominique Maraninchi a mis en avant le fait que la consommation au delà de la prescription maximale pouvait, dans certains cas, être associé à un risque de démence. Il est donc très important de respecter ces règles car les anxiolytiques benzodiazépines ont démontré leur utilité, ce serait bête de la gâcher.


→ Le Lexomil est la première substance benzodiazépine consommée en France.

         Cependant des troubles cognitifs sont observés lors d'une utilisation occasionnelle. En effet, des épisodes d’amnésie débutent immédiatement après l’administration du produit. L’amnésie est alors de type antérograde. De plus elle est massive mais dure peu, ne laissant aucune séquelle. Ces effets indésirables cessent pourtant si la consommation se fait de plus en plus régulière, ce qui est un peu paradoxal, comme le fait que la surconsommation entraîne des agissements nerveux chez le patient... Et malheureusement pour le sujet âgé, ces troubles mnésiques peuvent avoir plus de conséquences telles que la confusion mentale, ou la détérioration des capacités intellectuelles.

         Ainsi, bien que les anxiolytiques benzodiazépines en particulier aient une réelle utilité au sein de la société française, il faut les manipuler avec de grandes précautions et respecter les doses prescrites. Le mieux étant de privilégier de courtes périodes de traitement et l'arrêter en diminuant les doses au fur et à mesure. Mais cette idée utopique ne nous empêche pas de remarquer que les consignes ne sont pas tout le temps respectées et qu'un usage détourné de ces médicaments est de plus en plus fréquent.

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