I-
Anxiolytiques et Alzheimer, deux facteurs à la fois différents et
complémentaires
a)
Le problème de la consommation
d'anxiolytiques en France
1.
Que sont les anxiolytiques ?
Les
anxiolytiques, ou plus communément appelés tranquillisants mineurs
car ils n'abrutissent pas, sont une classe de médicaments
psychotropes cherchant à diminuer l'anxiété d'une pathologie, d'un
comportement. Ils font partie des psycholeptiques qui sont des
substances pouvant faire baisser l'activité cérébrale. Ainsi ils
permettent de diminuer l'angoisse chez les individus. Cependant, ce
sont des produits sédatifs mineurs, les neuroleptiques ne sont donc
pas concernés par cette appellation : ces médicaments servent
pour les personnes souffrant de troubles psychotiques comme la
schizophrénie.
De
plus, les antidépresseurs ne sont pas non plus des anxiolytiques bien qu'ils soient très fortement associés, ces
médicaments prescrits servent à traiter les patients étant en
dépression en leur améliorant l'humeur. C'est simplement un
complément à coté d'une prise en charge thérapeutique. Mais tout
comme les anxiolytiques, les neuroleptiques ou les hypnotiques
(troubles du sommeil), les antidépresseurs sont des psychotropes :
ils diminuent ou augmentent l'activité du cerveau.
Les
toutes premières substances utilisées comme anxiolytiques étaient
des préparations de plantes à base d'opiacé, qui sont des dérivés
de l'opium, ou de valériane ; cette dernière étant toujours
utilisée de nos jours. Les boissons contenant de l'alcool fermenté
étaient aussi utilisées.
Mais
le développement de la chimie de synthèse dans les années 50 a
fait remplacer ces substances par des anxiolytiques chimiques tels
que les barbituriques. Ils ont la faculté d'endormir le système
nerveux central; à faible dose, ils sont donc considérés comme des
tranquillisants. Mais à forte dose ils sont utilisés lors
d’anesthésies générales pour des opérations chirurgicales. Leur
usage est de nos jours limité ou prescrit marginalement car il
induit une très grande dépendance qui peut conduire jusqu'à la
mort de l'individu.
Ainsi
depuis 1960, ce sont les benzodiazépines qui ont émergé. La première molécule a été découverte par accident par
Leo Sterbach, un pharmacologue américain : ce fut le
chlordiazépoxide, molécule contenue principalement dans le Librax.
Mais le chef de file de ces benzodiazépines reste le bromazepam, plus
connu sous le nom de Lexomil. Ces deux types d'anxiolytiques sont
commercialisés par le laboratoire Hoffmann-La Roche. Ils sont
reconnus pour leurs vertus envers les comportements anxieux et ils
sont souvent prescrits pour le sevrage alcoolique ou pour des troubles digestifs (Librax).
Les
benzodiazépines sont les anxiolytiques les plus couramment utilisés
en France notamment grâce à leurs effets très rapides, que les
douleurs soient physiques ou psychiques. Cependant, le suivi médical
est fondamental lors de la prise de ces substances, il est recommandé
de voir le médecin qui a instauré le traitement au moins une fois
par mois. Car même si les anxiolytiques ont des effets sédatifs,
ils n'agissent pas sur le fond du problème.
Comme
cette catégorie de psychotropes est la plus prescrite en France,
nous nous intéresserons aux benzodiazépines en particulier,
c'est-à-dire aux substances agonistes GABA.
2.
La consommation en France
Selon
le spécialiste en neuropsychopharmacologie Michel Hamon (directeur
de l'unité Inserm 288 à la faculté de médecine Pierre et Marie
Curie à Paris) « sans les antidépresseurs, on assisterait à
une flambée de suicides, et ces médicaments constituent
le moyen le moins coûteux de traiter la dépression.
Mais l'idéal – à défaut d'un soutien de l'entourage – restera
toujours un excellent psychiatre ». Hélas « nous vivons
dans un monde marqué par l'isolement social, l'urbanisation, la
frustrante virtualité des contacts par internet, et désespérément
privé des anciennes solidarités de voisinage ».
C'est
un comble pour un pays dont l'on envie la qualité de vie d'être le
premier consom-mateur
mondial de psychotropes, mais
seulement le deuxième consommateur d'anxiolytiques en Europe.
En effet, la France compte 131 millions de boîtes de médicaments
contenant des benzodiazépines vendues en 2012 selon une
étude de l'Agence
Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)
faite
janvier 2014. De
plus, toujours selon la même source environ
11,5 millions de français ont consommé au moins une fois des
benzodiazépines en France en 2012.
L'anxiolytique
le
plus utilisé en France serait
le
Stresam qui est constitué principalement d'étifoxine,
une
molécule appartenant à la famille des benzoxazines (effets
similaires aux benzodiazépines). Probablement
parce qu'il n'est pas très onéreux, qu'il peut être prescrit à
toutes classes d'âge, qu'il s’achète
sur ordonnance et
surtout parce qu'il entraîne moins d'effets secondaires indésirables
que les anxiolytiques benzodiazépines.
Cependant,
le Lexomil est un benzodiazépine très célèbre car comme les
anxiolytiques les plus utilisés, ils produisent un effet de
soulagement de la tension nerveuse rapide, bien qu'ils n'agissent pas
sur le fond du problème comme Michel Hamon le dit clairement.
Dans
notre société d'aujourd'hui, ces médicaments psychotropes sont de
plus en plus prescrits, et ce sont les femmes qui ne représentent
pas loin des deux tiers des personnes concernées. Ainsi une overdose
nationale est observée, mais
cette overdose est surtout due à la sur-prescription des médecins
de psychotropes envers leurs patients ; et les cocktails
médicamenteux trop lourds comportent de hauts risques pour le
cerveau. Cependant le journaliste scientifique Guy Hugnet affirme
dans Psychotropes,
l'enquête
que les médecins généralistes prescrivent telle
ou telle marque de psychotropes sous l'influence de firmes
médicales.
Le
plus affolant étant qu'environ
14 % des jeunes de 17 ans ont déclaré avoir déjà consommé
au moins une fois des anxiolytiques au cours de l'année 2012 :
le plus souvent, ces médicaments leur ont été proposé par leurs
parents, alors qu'ils
sont
une minorité à
avoir
commencé un traitement sous leur
propre initiative.
Cependant,
même si la France est un très gros consommateur de médicaments
psychotropes en tout genre, l'utilisation de certains
psychostimulants comme la cocaïne ou l'ecstasy, reste marginale,
contrairement à ses voisins européens.
Diagramme
de la consommation d'anxiolytiques de certains pays d'Europe en 2009,
en dose définie journalière (DDJ) pour 1000 habitants par jour
Selon
une étude statistique de l'Ansm datant de décembre 2013.
3.
Les problèmes de la surconsommation (effets secondaires...)
Comme
nous l'avons vu dans les parties précédentes, la consommation
d'anxiolytiques ou même de médicaments psychotropes en tout genre
n'est pas négligeable. Cependant il serait préférable que ces
substances n'aient pas d'impact sur le consommateur, qu'elles n'aient
pas d'effets secondaires indésirables. Mais ce n'est malheureusement
pas le cas. Ces
médicaments - s'ils peuvent être d'une grande aide ponctuellement -
ne doivent généralement pas être utilisés à long terme ;
car
les substances psychotropes ont des répercussions plus ou moins
grave sur le cerveau du patient. Au cours de cette partie, nous nous intéresserons donc juste aux effets
indésirables des anxiolytiques benzodiazépines, les plus répandus
et les plus prescrits.
Depuis
l'arrêté du 7 octobre 1991, les médicaments contenant des
propriétés anxiolytiques ne peuvent être prescrits plus de douze
semaines. Et c'est le principal problème que nous retrouvons en
France. Lors d'une utilisation régulière, la diminution des
capacités psychomotrices du patient peut être observée (chute,
accidents sportifs...), le cerveau étant atteint par des substances
réduisant son activité. Ainsi la somnolence est un effet fréquent
lors de la consommation : les
anxiolytiques sont classés
suivant des pictogrammes de niveau plus ou moins élevé. Niveau
trois pour les formes injectables ou intraveineuses et niveau un ou
deux pour les formes orales. Ces médicaments diminuent la capacité
de répondre aux situations d'urgence : lorsque les individus
conduisent, des accidents peuvent donc être commis très facilement
et pas vraiment consciemment.
Et
selon le professeur en psychologie britannique Iwing
Kirsh, d'autres
effets secondaires sont à prendre en compte avec la
surconsommation d'anxiolytiques comme un
dysfonctionnement
sexuel, des
insomnies, des troubles du sommeil, une prise de poids accrue ou de
l'anorexie, des diarrhées, des nausées, ou encore des réactions
cutanées. Et sans oublier que lors d'un rapport de l'Ansm en
décembre 2012, son directeur général Dominique Maraninchi a mis en
avant le fait que la consommation au delà de la prescription
maximale pouvait, dans certains cas, être associé à un risque de
démence. Il est donc très important de respecter ces règles car
les anxiolytiques benzodiazépines ont démontré leur utilité, ce
serait bête de la gâcher.
→ Le Lexomil est la première substance benzodiazépine consommée en France.
Cependant
des troubles cognitifs sont observés lors d'une utilisation
occasionnelle. En effet, des
épisodes d’amnésie débutent immédiatement après
l’administration du produit. L’amnésie est alors de type
antérograde. De plus elle est massive mais dure peu, ne laissant
aucune séquelle.
Ces effets indésirables cessent pourtant si la consommation se fait
de plus en plus régulière, ce qui est un peu paradoxal, comme le
fait que la surconsommation entraîne des agissements nerveux chez le
patient... Et malheureusement pour le sujet âgé, ces troubles
mnésiques peuvent avoir plus de conséquences telles que la
confusion mentale, ou la détérioration des capacités
intellectuelles.
Ainsi,
bien que les anxiolytiques benzodiazépines en particulier aient une
réelle utilité au sein de la société française, il faut les
manipuler avec de grandes précautions et respecter les doses
prescrites. Le mieux étant de privilégier de courtes périodes de
traitement et l'arrêter en diminuant les doses au fur et à mesure.
Mais cette idée utopique ne nous empêche pas de remarquer que les
consignes ne sont pas tout le temps respectées et qu'un usage
détourné de ces médicaments est de plus en plus fréquent.
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